Ne cherchez pas à localiser Port Boinot sur les côtes françaises,
ni ailleurs,
vous ne le trouverez pas.
Ce port fluvial fut l'un des trois ports de la ville de Niort, au bord de la Sèvre Niortaise.
Aujourd'hui, réhabilité, il reprend vie en accueillant deux pénichettes électriques qui navigueront sur le fleuve soit 50 km dédiés à la navigation de plaisance.
NIORT, chef-lieu des Deux-Sèvres,
cette ville que Michel Houellebecq décrit comme
l’«une des villes les plus laides qu’il m’ait été donné de voir»
dans son roman « Sérotonine »...
je voudrais démontrer combien il a tort !
C'est avec Stéphanie Tézière, diplômée en histoire de l'art et guide conférencière de Atemporelle, que nous avons eu la chance de découvrir le site de Port Boinot.
Le rendez-vous, rue de la Mégisserie, n'était pas tout à fait anodin et a permis l'entrée en matière.
De nombreuses questions fusent chez les visiteurs du jour.
Pourquoi « mégisserie » ?
Quelle différence avec « chamoiserie » ?
Pourquoi le club de foot de Niort s'appelle-t-il « Les Chamois » ?
Et pourquoi « Port Boinot » ?
Stéphanie est là pour faire le lien entre toutes ces interrogations qui se recoupent.
Elle commence par présenter le site en fin de réhabilitation.
Nous sommes face à ce qui fut une très importante chamoiserie niortaise jusqu'en 1996.
Créée en 1881 par Théophile Boinot (famille de teinturiers) sur le site du Moulin neuf, également appelée l'Usine de Belle-île, puis reprise par ses fils (Louis et Charles) cette industrie n'a fait que prospérer au début du XXe siècle.
Dans l'entre-deux-guerres, Les Fils de T. Boinot exportent leurs gants dans le monde entier, fournissant le Vatican et les cours royales européennes. Les exportations sont proches des 75% dont 45% vers les États-Unis, où les peaux de chamois sont utilisées pour laver les vitres des gratte-ciel. En 1924, 25 entreprises niortaises emploient 3.000 ouvriers et traitent annuellement 1,5 million de peaux. En 1929, la production atteint le chiffre record de 2,5 millions de gants.
Hier et aujourd'hui
Niort, anciennement Noiordo puis Nyorto, ce qui signifie « nouveau gué » est au bord de la Sèvre Niortaise.
Entre les deux collines de Saint-André et Notre-Dame s'écoule un ruisseau depuis la source de la Bouillounousse (aujourd'hui en souterrain) qui passe dans le centre-ville et devient un égout « le Merdusson ».
Au cours des siècles, trois ports se sont succédé ainsi que de nombreux moulins, laissant leur nom à certains lieux : Moulin du Milieu, Moulin du Roc, Place et Cale du Port, Port Boinot, Quai Belle-île, Quai Métayer, etc.
Moulin du Milieu, Moulin du Roc et Cale du port... témoins des trois ports
La Sèvre fournissait l'eau nécessaire à cette activité de chamoiserie mais surtout favorisait le commerce.
Navigable jusqu'à Marans, dans la Baie de l'Aiguillon, grâce à de nombreuses écluses, ce fleuve permettait aux gabares de remonter des cargaisons d'huile de foie de morue et de blanc de baleine venues du Danemark, de Hollande et du Pays basque et d'écouler, en retour, les cuirs, la laine et le vin en direction de l'Europe du Nord.
Au nord de Niort, le Mellois et la Gâtine sont deux régions d'élevage de chèvres et de moutons qui approvisionnent en lait, fromage, viande mais aussi en peaux qui ne demandent qu'à être transformées.
Après le travail des « blanconniers » qui débarrassent les toisons de leur laine, il faut les assouplir pour obtenir le « cuir ». On utilise pour cela des préparations à base de tan ou d'alun, d'où le nom de « tannerie » ou de « mégisserie ».
À Niort, Théophile Boinot utilise des huiles de poissons ou de baleines venues du nord de l'Atlantique. Cette technique permet de nourrir la peau pour l'assouplir et lui donner de la résistance et une douceur au toucher ; c'est la « chamoiserie ».
Le terme de « chamoisage », apparu au début du XVIIe siècle, n'a rien à voir avec l'animal alpin, mais vient probablement du turc « khamiz » (huile de poisson), déformé en « chamois ». Cette qualité convient tout particulièrement à la confection de culottes de peau pour les soldats de la cavalerie et de gants qui feront également la renommée de la capitale deux-sévrienne. Malheureusement la mode de cet accessoire, en particulier féminin, décroît au milieu du XXe siècle et de nouveaux textiles arrivent sur le marché ce qui provoque la décadence des Usines Boinot.
Gants exposés au musée Bernard d'Agesci à Niort
Après une longue période d'incertitude, cette friche industrielle qui a abrité les Arts du spectacle de rue est maintenant dédiée au tourisme mais aussi à la mémoire des lieux.
Des éléments fondamentaux sont conservés, comme le château d'eau, devenu emblème et phare du site.
Certains bâtiments témoignent toujours de leur utilisation, comme le Séchoir avec ses volets qui permettaient le séchage des peaux ou la Maison patronale qui deviendra un lieu convivial en accueillant un restaurant.
Le séchoir hier et aujourd'hui
À l'extérieur, le long d'un bras de la Sèvre, les aménagements paysagers rappellent la Plaine niortaise, le Bocage et le Marais Poitevin où les « pelains » (bassins utilisés pour le dégraissage des peaux) accueillent aujourd'hui des plantes aquatiques.
Plaine, Bocage et Marais avec les pelains
Une serre avec des plantes exotiques apporte un supplément de verdure... qui sera peut-être plus adapté au climat dans le futur!
Une question reste sans réponse :
Pourquoi le club de foot de Niort s'appelle-t-il « Les Chamois » ?
Même si le maillot des footballeurs est agrémenté d'un petit « ruminant à cornes recourbées qui vit dans les montagnes » chacun a bien remarqué que le chamois n'est pas une espèce présente sur ce territoire de plaine.
Mais de « chamoiserie» à « chamois » il n'y a qu'un bond qu'ont vite franchi les fils de Théophile Boinot, en 1925, lorsqu'il a fallu donner un nom au club de foot que leur père avait créé pour ses ouvriers.
Notre guide, passionnée d'histoire et amoureuse de cette ville,
a ensuite entraîné le groupe à l'intérieur du Séchoir,
dédié à l'Office du tourisme,
afin de présenter d'autres aspects qui font la réputation de Niort.
Les fouilles archéologiques préalables aux travaux de réhabilitation du site ont permis d'exhumer une statuette de la déesse Épona prouvant la présence d’un sanctuaire antique daté du Ier siècle avant notre ère.
Elle nous présente aussi plusieurs plantes qui font la renommée de notre région : l'angélique bien entendu mais aussi les frênes têtards et les peupliers du Marais poitevin.
Angélique et frênes têtards
Nous apprenons que cet arbre a de nombreuses utilisations ; outre son bois, facile à dérouler et utilisé pour la fabrication de diverses caissettes afin de transporter le beurre (d'Échiré), les fromages de chèvre (du Mothais) ou les huîtres (de Marennes), sa sève (la populine proche de la saliciline du saule) est actuellement étudiée pour être utilisée comme alicament.
Nous ne pouvions pas quitter Niort sans entendre parler d'un des personnages qui lui a permis de devenir ce qu'elle est aujourd'hui, « la capitale des assurances ».
C'est Edmond Proust qui a eu cette idée géniale, en 1934, en créant la Mutuelle d'assurance automobile des instituteurs qui devait devenir la MAIF et serait suivie de nombreuses autres compagnies pour les artisans, les commerçants, etc.
C'est ainsi que Stéphanie nous quitte en ouvrant une porte pour la découverte d'un nouvel aspect de Niort.
Atemporelle propose de nombreuses visites de notre capitale mais aussi de différents lieux des Deux-sèvres, tout particulièrement en été.
Laissez-vous guider si vous êtes dans la région!
Un immense MERCI à notre guide
pour cette balade si bien documentée
mais aussi pour sa disponibilité et son humour.
Et si vous voulez en savoir davantage sur Port Boinot, je vous suggère de suivre Cécile Girardin et son Journal d'un chercheur dans lequel elle dévoile, sous forme d'enquête, des archives inédites qui font revivre l'histoire de ce lieu au cours des siècles