Une fois n'est pas coutume,
je prête ma plume aujourd'hui à Mr Marmotte
qui apporte une conclusion aussi belle qu'inattendue
On m'appelait « le grand chêne » ou « le châgne » en patois de Gâtine poitevine et pour Marmotte j'étais « le roi du Terrier ».
Depuis le 4 décembre 2020, je suis à terre. Les éléments naturels, pluie et vent, ont été les plus forts.
En 1898, quand le grand-père de mon actuel propriétaire a acheté la ferme, j’étais un bel arbre. Je ne me souviens plus de ma naissance mais je revois encore mon environnement si agréable. À mes pieds, une mare accueillante permettait aux animaux de s'abreuver. Tout autour s'étendaient des prairies naturelles où paissaient vaches, chèvres et moutons. Leurs bordures de haies d'arbustes épineux, tels que l'aubépine (épine blanche en gâtinais) et le prunellier épineux (épine noire), ponctuées d'arbres têtards servaient de refuge à de nombreux oiseaux et de nombreuses espèces vivantes.
J'ai traversé le XXe siècle avec ses périodes de guerre et ses Trente Glorieuses. J'ai connu la vie rurale et sa modernisation. J'ai résisté à deux Martin, à celui appelé « la tempête du siècle », le 27 décembre 1999, et l'année précédente à celui de l'entreprise d'emballage d'Augé. On avait voulu me vendre mais l'acheteur m'a laissé en place sans doute me trouvant trop vieux et sans valeur financière.
Toute ma vie, j'ai connu l'humidité et mes racines ont fini par m'abandonner, plus de montée de sève au printemps et plus de feuilles sur mes branches en été.
Par contre, mon ossature constituée d'un bois très dur et résistant est devenue le perchoir préféré de beaucoup d'oiseaux et tout particulièrement des tourterelles des bois, l'oiseau migrateur qui arrive chaque année en mai et repart en août.
Dans le même temps, j'ai subi l'attaque des pics et d'une micro faune se développant sous mon écorce.
Fiers de moi, mes propriétaires ont tenu à me garder en place. Ils m'ont admiré, photographié dans cet état pendant plus de 20 ans. J'ai même eu l'honneur de tenir un rôle dans un film documentaire « Tant qu'il y aura des tourterelles... ».
Maintenant, ma silhouette leur manque
mais ils ont décidé de me laisser en place, couché et regardant le ciel. La biodiversité, s'il y en a encore dans les prochaines années, continuera son œuvre...
Et faute de descendance, ils m'ont cherché deux successeurs qu'ils ont plantés près de moi et que je pourrai voir grandir avant de disparaître définitivement.
Vous trouverez ici les photos de cette plantation de deux jeunes chênes trouvés dans le bois voisin.
Le détachement est la méthode, et qui connaît le détachement est Bouddha. Une fois que l'on est détaché de tout, on n'a pas d'autre réalité à trouver.